L’auto-sabotage, ce n’est pas ce que vous croyez
On entend souvent parler « d’auto-sabotage », comme si c’était une évidence, comme si ça se voyait comme le nez au milieu de la figure que l’on est en train de léser quelqu’un (nous, haha).
En fait, dans mon expérience, le fait de mettre des « limites » à ce qu’on pense pouvoir être, pouvoir faire, pouvoir avoir n’est pas en première intention pour nous faire du mal : c’est un produit de notre neurologie.
Les personnes qui vivent avec beaucoup d’anxiété sont comme les nouveaux-nés ou les bébés : si nous ne sentons plus les « limites » qui nous enveloppent, nous ne savons plus nous « situer » dans l’espace, et une sensation de vaste et d’illimité nous donne l’impression de nous perdre.
C’est la raison pour laquelle on emmaillote les bébés : habitués à vivre dans l’espace restreint, accueillant, délimité de l’utérus, beaucoup d’entre-eux, au moment de s’endormir, étendent les bras pour venir toucher les parois de leur maison… Qui n’est plus là ! Le fait de toucher du vide crée un sursaut, et ils se réveillent complètement, parfois en pleurs.
C’est pour cela que dans le temps, on emmaillotait les très jeunes enfants. L’habitude s’est perdue au XXième siècle, mais on y revient maintenant, avec des turbulettes sans manches, tout simplement parce qu’ils sont apaisés quand leurs bras touchent le tissu qui les contient.
Nos peurs forment elles aussi une sorte de délimitation qui nous permet de créer des stratégies dans cet espace restreint qui est catographiable. On sait comment évoluer dans cette petite zone.
Certes, elle est parfois exigüe et ne contient pas tout ce qui est nécessaire à notre bien-être. Mais nous y sommes adaptés. Nous en connaissons les règles et le fonctionnement. Ce qui s’y passe est prédictible.
Quand on est dans un processus de guérison de nos schémas et de nos peurs, cette « bulle » autour de nous ne fait que grandir. Mais cela s’accompagne aussi de possibilités élargies, donc d’une sensation de « vide » autour de nous. L’espace s’élargissant, les évènements deviennent de moins en moins prédictibles : nous ne connaissons pas (encore) les règles qui régissent les nouveaux espaces que nous sommes maintenant en mesure de parcourir.
Neurologiquement, c’est déconcertant.
Notre système cherche à nous permettre d’être le mieux adapté(e)s possibles à notre environnement. À condition de disposer de suffisamment de données sur cet environnement pour créer un modèle ! Or, quand on est dans une zone nouvelle, on n’a absolument rien pour servir de base à nos décisions. Créer une stratégie n’a pas de sens. Donc on ne peut pas agir (ou alors totalement au hasard, ce qui n’a aucun sens)… Et en fin de compte on se sent en danger puisque on ne sait plus comment remplir nos besoins.
Les auto-sabotages sont la réponse (maladroite) à ce besoin de portionner l’espace pour comprendre ce qui s’y passe et ce qu’il serait utile d’y faire.
Le problème étant que ces limites deviennent des murs inexpugnables, et que l’on ne sait plus si l’on a créé une porte en même temps que l’on a créé les murs.
Quand on se retrouve confiné(e) dans la zone que l’on a exploré, c’est le signe que l’on n’est plus dans la simple prudence, mais dans la peur. Les murs bloquent la lumière et la circulation de l’air : il est temps de sortir.
Notre système sait qu’on va passer par un moment de désorientation, c’est pour cela que l’on ne se sent pas bien à l’idée de le faire.
Aborder cette « sortie du pré carré » comme un processus, et non comme une épreuve qui va décider de notre vie ou de notre mort (oui, un système anxieux est aussi une drama queen, le pauvret, il n’a pas trop le choix ^^) est ce qui permet de retrouver une « bulle » fluide, capable de s’agrandir sans que l’on se sente (trop) déboussolé(e).
On crée enfin son espace en le REMPLISSANT, plus en construisant des murs ;)